Parti pour la Villa Médicis avec des étudiants qui font le voyage de la restauration des Bourgeois de Calais, Jacques Van Roy ne peut tourner à Rome le moindre mètre de ce film 16 mm qu’il affectionne depuis ses débuts d’artiste.
Frustration énorme – à l’échelle du personnage. Déambulation dans la Ville Éternelle, fascination pour le Panthéon et son oculus, ouverture spectaculaire vers “ce vide où nous mettons les dieux” comme l’écrit Marguerite Yourcenar dans les Mémoires d’Hadrien. Les images, les sensations s’impriment sur la rétine de l’artiste qui emmagasine du matériel visuel… Retour à Calais et nouvelle tentative. Face caméra, le soleil se couche dans la mer; la mer où se reflète l’image du soleil couchant dans le noir métallique de sa surface mouvante et fluctuante. La Beaulieu 16 mm de Jacques Van Roy s’est remise en marche. La caméra tourne. 7 bobines défilent dans le carter. Le spectacle est total. Hypnotique. Voilà pour la genèse de l’œuvre.
Le reste tient à la la démarche et à la pratique de Jacques van Roy. Ancrée dans la matérialité de la pellicule quelle soit photographique ou cinématographique. Ce matériel “sensible” d’où toutes ses créations proviennent, où toujours il nous plonge et nous ramène pour nous proposer des pièces cinétiques qui ré-écrivent le temps, le mouvement et la lumière dans la surface argentique du tirage par contact.
Effet de sidération devant ces “images fantômes” insaisissables et néanmoins persistantes… “La mer” de Jacques Van Roy est un étrange poème plastique qui joue du négatif et du positif, de l’ombre et la lumière, du révélé et de l’indéterminé, du visible et de l’invisible… créant une tension, une résistance visuelle avec laquelle le spectateur doit se dé-brouiller entre plaisir esthétique et curiosité d’interprétation.
Jean-Baptiste Guey
Galeriste